Adapté par Plateforme des villes de l’UNESCO, «Solutions urbaines : s’inspirer de l’action des villes face à la COVID-19»

 

Alors que les villes gèrent leur réponse immédiate face à la pandémie de COVID-19, elles envisagent aussi la planification et le financement des efforts de rétablissement sur le long terme. Les deux premiers débats en ligne évoquaient la réponse des villes à la pandémie, et la façon dont elles œuvrent à l’allégement des mesures de confinement et s’engagent en faveur d’un rétablissement durable. De nombreuses régions du monde sont encore dans la première ou dans la deuxième phase de la pandémie, mais cela ne devrait pas nous empêcher de voir plus loin. En étudiant les expériences des villes jusqu’à aujourd’hui ainsi que les leçons que nous pouvons tirer des villes qui sont plus avancées dans le cycle de réponse, nous proposerons des idées pour que les villes restent en première ligne de la réponse et de l’innovation et qu’elles soient en mesure de satisfaire les besoins de leurs citoyens sur les plans économique, social et culturel.

C’est une occasion de transformer radicalement les villes pour qu’elles soient plus résilientes et plus durables face à la crise climatique imminente et aux autres urgences annoncées. Les risques et défis mondiaux sont multiples. Les villes du monde sont généralement bien conscientes des risques auxquels elles sont confrontées, qu’il s’agisse de la hausse du niveau de la mer, de catastrophes de plus en plus fréquentes et intenses ou d’une croissance démographique rapide. Quelles sont les principales leçons tirées jusqu’ici et comment peut-on les exploiter ? Les villes seront-elles mieux préparées à l’avenir ?

Au cours des dernières années, de nombreuses initiatives ont vu le jour afin de repenser la vie urbaine. La pandémie de COVID-19 a affecté le monde entier et a donc poussé un nombre important d’experts, de professionnels et d’innovateurs à se questionner et à se saisir de cette opportunité afin de repenser ce qui permettrait à la population mondiale de vivre mieux, plus en sécurité, en harmonie et de façon plus durable. Comment dépasser la nouvelle normalité « en ne faisant pas que reconstruire, mais en repensant » ? Nous dirigeons-nous vers les « villes de demain » et à quoi ressembleront-elles ?

Ce défi est particulièrement complexe pour les villes, non seulement car c’est là que vit la plus grande partie de la population, mais également car la façon dont fonctionnent les villes d’aujourd’hui est remise en question par la crise mondiale que nous traversons. Cette crise sera peut-être pour les citoyens et les décideurs l’occasion de repenser nos modes de vie, de production et de déplacement, en profondeur et en partant de la base. Dans les villes, tout et tout le monde est connecté. Ce sont donc des endroits exaltants et dynamiques, mais également vulnérables. Les citadins dépendent davantage des services de transport et d’alimentation publics et privés ou des espaces publics. La COVID-19 a démontré que le caractère interconnecté des villes peut être un point faible lorsqu’un manque d’accès et une interruption des services les rendent vulnérables. Dans le même temps, des initiatives de quartier qui ont vu le jour dans le monde entier ont prouvé qu’il existe une autre façon de vivre ensemble en ville. Quelles sont les initiatives couronnées de succès qui méritent de se poursuivre et comment peut-on les pérenniser une fois la pandémie terminée ? Quels défis urbains spécifiques doivent être abordés afin de fournir des solutions durables et saines sur le long terme aux citoyens ?

L’une des priorités est de rendre les villes plus inclusives. Les Nations Unies ont annoncé que l’impact de la COVID-19 sera particulièrement fort dans les zones urbaines pauvres et densément peuplées, notamment pour le milliard d’individus qui vivent dans des établissements informels et dans des bidonvilles. Des images de travailleurs émigrés aux salaires insuffisants luttant pour rentrer chez eux pendant le confinement nous reviendront sûrement lorsque ces individus devront trouver un moyen de revenir sur leur lieu de travail. Lorsque la phase de rétablissement sur le long terme aura débuté, nous ne devrons pas uniquement repenser la vie urbaine sur le plan de la conception de l’architecture. Il faudra également résorber ces inégalités structurelles en adoptant des politiques et des mesures concrètes. Comment les politiques des différents secteurs peuvent-elles rendre les villes plus inclusives et atténuer ces vulnérabilités ? Quels projets sont à l’étude afin de relever ce défi ?

L’inclusivité ne concerne pas que les plus vulnérables. Elle repose également sur une participation élargie. Les jeunes, en particulier, peuvent et doivent jouer un rôle central dans la conception des villes de demain. Après tout, ce sont eux qui vont les construire et y résider. Dans le cadre de la réponse face à la COVID-19, les villes, mais également plusieurs entrepreneurs et d’autres acteurs urbains, ont mis au point des méthodes visant à assurer leur participation. Quelles leçons peut-on tirer de ces initiatives et comment peut-on motiver un large éventail de citoyens à participer à l’élaboration et à la conception de nouvelles initiatives ? Quels efforts devons-nous entreprendre afin de favoriser la créativité et l’innovation et de soutenir les nouvelles entreprises ?

Ce travail doit être guidé par les Objectifs de développement durable (ODD) ainsi que par d’autres cadres mondiaux tels que l’Accord de Paris sur le climat. Plus particulièrement, l’ODD 11 « Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables » devrait encore davantage être mis en lumière, afin d’orienter notre réponse collective aux défis actuels du développement et de fournir une feuille de route qui englobe les différents secteurs et les diverses priorités de développement.

Ce débat a porté sur la façon dont nous pouvons considérer la crise actuelle comme une occasion de repenser notre façon de vivre dans les villes, la symbiose entre les villes et leurs habitants et le rôle des espaces publics physiques et virtuels, et donc de concevoir les villes de demain. Il a permis d’envisager la manière dont les villes pourraient repenser leurs politiques urbaines afin de renforcer leur préparation aux risques et leur capacité de réponse en devenant plus intelligentes, plus vertes, plus inclusives et plus résilientes.

Pistes de réflexion

  • Comment rendre les villes plus inclusives et plus durables en tirant parti de l’expérience de la pandémie de COVID-19 ?
  • Comment atteindre un équilibre entre l’utilisation des mégadonnées et le respect des libertés individuelles ? Quels cadres éthiques doivent être mis à contribution ?
  • Comment mener une recherche sur le terrain afin de constituer une base de données fondée sur des preuves afin d’éclairer les politiques ?
  • Comment dépasser la nouvelle normalité « en ne faisant pas que reconstruire, mais en repensant » ? Comment stimuler l’ambition et l’imagination collectives afin de créer les villes de demain ?
  • Quel est le rôle des différents groupes économiques et sociaux, notamment les jeunes et les femmes, dans le cadre de l’objectif commun visant à créer les villes de demain ?
  • Comment le cadre des ODD guide-t-il notre façon de voir les villes à la suite de la pandémie ? Comment améliorer les examens locaux volontaires afin d’en faire un outil efficace dans la progression du développement durable à l’échelle locale ?
  • Quelles sont les compétences du XXIe siècle que les citadins doivent développer afin de promouvoir la solidarité et la coopération après la crise de la COVID-19 ?
  • Comment améliorer les capacités des villes en tant que laboratoires d’innovation et leur fournir une base adéquate pour les entreprises, la créativité, la recherche, l’expérimentation de politiques, etc. ?
  • Comment les mesures et initiatives urbaines locales pourraient-elles influencer les niveaux national et régional afin d’étendre leur impact ?
  • Comment renforcer la maîtrise de l’information et les compétences interculturelles afin d’améliorer la résilience contre les fausses informations, compte tenu du rôle croissant des réseaux sociaux et de l’importance d’une information correcte en temps de crise ?

M. Riel Miller, Responsable de la Littératie des futurs à l’UNESCO, modérateur, a introduit le débat et expliqué comment la crise actuelle pouvait être perçue comme une occasion de repenser la façon dont les gens vivent dans les villes, la symbiose entre les villes et leurs habitants et le rôle des espaces urbains publics physiques et virtuels, et donc de concevoir les villes de demain.

DÉROULÉ DU PANEL : RÉSUMÉ GÉNÉRAL

M. Sameh Wahba, Directeur du Pôle mondial pour le développement territorial et urbain et la gestion des risques et des catastrophes à la Banque mondiale, a soutenu que la structure existante des villes n’était pas la plus favorable et a montré comment la pandémie mettait en exergue tous ses défauts et faiblesses. « Ceci est dû à la (mauvaise) gestion de la densité, qui fait qu’elle se transforme en surpopulation », notamment dans les « lieux manquant d’infrastructures publiques, en particulier dans les domaines de l’eau et de l’assainissement, à l’instar des bidonvilles […] et des établissements informels. » Pour l’avenir, il entrevoit des villes disposant de beaucoup plus d’espace et des investissements plus importants dans les infrastructures numériques afin de faire face aux urgences futures et de pouvoir y répondre. En conclusion, M. Wahba a exprimé son avis sur les différentes valeurs qui nous attireront dans les villes, à savoir « l’inclusion, la culture et la diversité ».

Mme Soo-Jin Kim, Responsable adjointe de la Division Ville du Centre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour l’entrepreneuriat, les PME, les régions et les villes, a déclaré : « Nous sommes en train de passer d’une logique de mobilité à une logique d’accessibilité ». Pour Mme Kim, nous sommes seuls responsables de la façon dont nous choisirons de sortir de la pandémie. Il est nécessaire d’adopter un modèle plus circulaire afin de réduire nos déchets et de changer nos modes de consommation, la crise nous ayant montré que les pratiques actuelles n’étaient pas durables. Elle ajoute que « les choix politiques que nous faisons aujourd’hui pour sortir de la crise façonneront les villes de demain pour les décennies à venir ».

M. Carlos Moreno, Directeur scientifique de la Chaire ETI (Entrepreneuriat, Territoire, Innovation), Université Panthéon-Sorbonne, IAE, a évoqué son concept de « ville du quart d’heure ». Lorsque nous construisons de nouvelles infrastructures urbaines, nous devons penser la proximité comme une nouvelle façon de vivre. Il a ainsi déclaré : « il ne s’agit pas d’avoir davantage de villes, mais d’avoir des citoyens heureux, d’avoir une vie heureuse ».

M. Jean-Michel Wilmotte, Architecte, urbaniste et designer, a entrepris d’expliquer pourquoi les espaces publics devront être transformés dans tous les futurs projets urbains. Avec la crise de la COVID-19, le besoin a émergé de créer dans les villes des espaces dans lesquels nous pouvons stocker des lits ainsi que du matériel et/ou des équipements médicaux pour mieux se préparer à l’avenir. Il a ajouté que la période exceptionnelle que nous traversons appelle à prendre des mesures exceptionnelles.

M. Benedetto Zacchiroli, Conseiller auprès de l’Office national italien de lutte contre le racisme (UNAR), Président du Comité directeur global de l’ICCAR et Président de l’ECCAR, a introduit la question de la société civile dans la conversation. « Ce que nous appelions normalité ne peut être synonyme de justice sociale », a-t-il déclaré en appelant à établir ensemble des bases communes en matière de droits de l’homme. Il a expliqué que les décideurs politiques et autres parties prenantes ne pouvaient attendre que les citoyens les sollicitent, et que c’était à eux de tendre la main à leurs citoyens. Il a conclu en déclarant que « [nous devons] insister sur le fait que les réalités des gens sont vraiment différentes […] nous ne pouvons pas envisager de ne pas changer les choses ».

Une autre enseignante, Mme Judith James, Responsable de la Collaboration stratégique régionale, Université de Swansea, nous a rappelé que nous devons avoir « une plus grande tolérance des différences » si nous souhaitons empêcher la hausse des inégalités. Elle a souligné qu’il était nécessaire de « ne pas creuser le fossé entre les riches et les pauvres – fossé qui constitue la véritable distanciation sociale. Nous avons la possibilité de créer un avenir inclusif. Notre avenir repose sur la compréhension des besoins de chacun. » Originaire d’une ville qui a mis l’accent sur l’enseignement de l’entrepreneuriat à la jeune génération, Mme James a insisté sur le fait que sans innovation ni progrès, la ville ne pourrait avancer collectivement.

Mme Wevyn Muganda, Fondatrice de Beyond the Lines (initiative 16×16 du PNUD), a introduit la question de la jeunesse dans le débat. Elle a appelé à la « priorisation des jeunes dans la prise de décisions et dans d’autres secteurs, de sorte que les décisions ne soient plus prises pour les jeunes, mais avec les jeunes ». À l’avenir, toute ville durable devra harmoniser le traitement de ses habitants et s’intéresser à la façon dont le logement, l’accès aux soins et l’emploi façonnent sa population. Si l’on souhaite être véritablement inclusif, ajoute-t-elle, il faut tenir compte du fait que « les droits de l’homme sont déterminants dans le développement et la durabilité de toute ville ».

En résumé, le débat a mis en lumière la façon dont chaque décision affecte très différemment les gens. Personne dans le monde n’était préparé à cette pandémie. Elle a donc engendré une très grande vulnérabilité, mais nous a également montré comment être plus interconnectés grâce aux moyens numériques, aux espaces urbains et aux possibilités offertes par les villes. Au cœur de toute approche visant à réimaginer les villes ou à réinventer les modèles, les villes doivent accepter la fin de l’ancienne normalité et adopter la nouvelle normalité et la prochaine – une normalité qui devra être plus ouverte à la fois littéralement et métaphoriquement, plus locale et surtout plus accessible, afin de créer un environnement urbain durable pour tous.